Un portrait de 1892 révèle un secret insoupçonné derrière l’apparente quiétude des enfants

Publié le 14 novembre 2025

Une simple photographie peut parfois réveiller des fragments oubliés du passé. C'est le cas de cette image sépia de mars 1892, retrouvée dans les archives de Puebla, au Mexique. On y découvre une mère assise, l'air rêveur, tenant deux bébés au visage serein. Ce cliché, longtemps perçu comme une représentation ordinaire de l'amour maternel, cache en réalité une histoire tragique et un mystère captivant pour les historiens.

Un aperçu d’une époque révolue

À première vue, cette photo pourrait passer inaperçue parmi les nombreux portraits de la fin du XIXe siècle. Les tenues sont typiques : une robe sombre avec un col haut, des dentelles délicates, et de petits chaussons blancs. Catalina Ruiz de Herrera, la mère sur la photo, appartenait à une famille fortunée de Puebla. Mariée à Don Felipe Herrera, un commerçant prospère, elle représentait la respectabilité de la bourgeoisie locale, fidèle à ses traditions. Ce cliché fut capturé par Don Abundio Cortés, un photographe renommé pour ses portraits soignés et sa maîtrise de l’éclairage naturel.

Cependant, en observant de plus près, un détail intrigue. Le regard de Catalina semble perdu, entre tendresse et absence. Les jumeaux, Ana Lucía et José Miguel, apparaissent étrangement immobiles. Cette impression, relevée par plusieurs chercheurs, pourrait être due aux longs temps de pose de l’époque, exigeant une immobilité totale. Pourtant, certains y perçoivent une symbolique prémonitoire, un reflet du destin tragique qui attendait cette famille.

Une mère vulnérable

Quelques mois avant que la photo ne soit prise, Catalina avait donné naissance à ses jumeaux après un accouchement difficile. Les archives indiquent qu’elle était très affaiblie, tant physiquement que moralement. À l’époque, le terme de « mélancolie maternelle » décrivait ce que nous appelons aujourd’hui la dépression post-partum. La santé mentale étant un sujet tabou, ces troubles étaient mal compris, et les femmes qui en souffraient souvent isolées.

Son mari, Felipe, bien que préoccupé, était absorbé par son commerce et fit appel à plusieurs domestiques pour l’assister. Les témoignages retrouvés évoquent une jeune mère distraite, parfois absente, perdue dans ses pensées. Rien d’alarmant selon les critères de l’époque, où l’on parlait simplement de « fatigue nerveuse ». Mais la suite révélerait un drame humain que la médecine de l’époque ne pouvait expliquer.

Le mystère entourant la photographie

Trois mois après la séance photo, la famille Herrera fut frappée par une tragédie dont les détails restent flous. Les archives judiciaires, les coupures de presse et les récits oraux varient, mais tous mentionnent une nuit de juin 1892 qui bouleversa Puebla. Était-ce un accident domestique ? Une disparition inexpliquée ? Les versions divergent, aucune ne permet de conclure.

Lorsque Don Abundio remit les plaques originales aux archives des années plus tard, la rumeur refit surface : certains affirmaient que les bébés paraissaient trop calmes, presque figés, comme si le cliché avait saisi plus que la vie. D’autres, plus rationnels, rappelaient que la technique photographique exigeait une immobilité absolue. Le débat persiste encore aujourd’hui entre amateurs et historiens.

Un souvenir muet du passé

Ce portrait, aujourd’hui exposé au musée historique de Puebla, continue de fasciner par son jeu d’ombre et de lumière. Il révèle à la fois la beauté fragile d’une mère et de ses enfants, et le poids invisible de son époque : celui des normes sociales, du silence entourant la souffrance féminine, et du regard figé d’une société sur la maternité.

Les visiteurs racontent qu’en se tenant devant cette photo, ils ressentent une émotion unique — un mélange de tendresse et de malaise. Peut-être parce qu’elle nous rappelle que chaque image ancienne, aussi simple soit-elle, contient mille histoires : celles que l’on a racontées, celles que l’on a tues, et celles que l’on devine dans un regard.

Plus d’un siècle plus tard, l’image de Catalina Ruiz et de ses jumeaux continue de toucher. Non pour la tragédie qu’elle suggère, mais parce qu’elle nous incite à regarder au-delà de l’image : à comprendre les silences, les fragilités, et la part d’humanité que le temps n’efface jamais.